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jeudi 20 janvier 2011

Le test du Marshmallow...

Ce fameux test de la guimauve (Marshmallow)  a été mené par le psychologue W. Mischel et ses collègues. (reporté par Goleman, 1995)[1] sur le plaisir différé par l'auto-discipline.

À l'université de Stanford, entre 1968 et 1974, le psychologue W. Mischel offrait à 34 enfants de 4 ans, le choix : sonner pour manger tout de suite une guimauve ou attendre son retour dans 15 minutes, pour en avoir un second. 14 ans après, ce même groupe âgé de 18 ans a été étudié. La corrélation était forte entre la capacité à différer cette attente et les résultats scolaires (210 points de plus à des tests SATs).

Ceux qui avaient le mieux différé leur attente se montraient mieux organisés, plus calmes devant des situations difficiles, moins à risques devant les dépendances, mieux appréciées par leur famille et amis et avaient moins de chance d'avoir un accident.

Ces résultats étaient indépendants de l'intelligence de l'enfant. Certains enfants plus « intelligents » pouvaient craquer plus vite que d’autres dont le QI était très inférieur. Les enfants qui avaient su résister à leur envie s’exprimaient mieux et avaient de meilleures notes – même si leur QI était parfois moins élevé. [2]

Vous ne résisterez pas à cette vidéo, reproduite par la TV pour notre plus grand plaisir ici:
Et peut-être reconnaitrez votre(vos enfants) ou l'enfant que vous avez été:

Dans cette autre vidéo encore, notés la réaction sournoise du jeune à 1min11 et les réactions de l'enfant et de l'expérimentateur, à 1min58:  http://www.youtube.com/watch?v=lgCL3GnmIfY&feature=related

Cette expérience vient encore d'être confirmée par une autre étude scientifique de 30 ans, de l'Université Duke, en Caroline du Nord[3], sur plus d'un millier d'enfants Nouveaux-Zélandais. Ils ont été évalués par leurs enseignants, leurs parents, d'autres observateurs et par eux-mêmes.
Les enfants avec les résultats les plus faibles étaient plus nombreux à avoir un excès de poids, des taux élevés de cholestérol et de l'hypertension artérielle, des problèmes respiratoires liés à la cigarette, des maladies sexuellement transmissibles à l'âge adulte. Ils ont de plus fortes probabilités de devenir parents célibataires, alcooliques, drogués, d'avoir des problèmes judiciaires.
Selon Alexis Piquero, professeur de criminologie, qui n'a pas participé à la recherche, pense que « Identifier un manque prononcé de maîtrise de soi au plus jeune âge possible chez les enfants et leur apprendre à surmonter ce problème est nettement préférable » et moins coûteux que de payer pour réinsérer des personnes dans la société.


[1] W. Mischel, Y. Shoda, & M. L. Rodriguez (1989). Delay of gratification in children. Science, 244, 933-938.
I. Eigsti, V. Zayas, W. Mischel, Y. Shoda, O. Ayduk, M.B. Dadlani, M.C. Davidson, J.L. Aber, & B.J. Casey (2006).  "Predictive cognitive control from preschool to late adolescence and young adulthood", Psychological Science, 17, 478-484.http://www.psych.cornell.edu/sec/pubPeople/vz29/(4)Eigsti,Zayas,etal.2006.pdf


[2] A.L. Duckworth et M.E.P. Seligman, "Self-discipline outdoes IQ in predicting academic performance of adolescents", in Psychological Science vol. 16, 939-944 (décembre 2005)


[3] T. Moffitt,L. Arseneault, D. Belsky, N. Dickson and Al "A gradient of childhood self-control predicts health, wealth, and public safety", Duke University (janv 2011)

lundi 17 janvier 2011

81% des gens pourraient-ils torturer?

Pour montrer l'influence actuelle de la télévision, perçue comme autorité, face à un cas de conscience (torture), le danger de l'escalade des jeux de télé-réalité, deux chaînes de télévisions suisse et  française ont reproduit une célèbre expérience américaine des années 63 du chercheur Stanley Milgram. En 2009, ils ont conçu une fausse émission, avec une animatrice complice qui demande à des invités ou joueurs (sujets non complices) d'envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes si une victime (en réalité, un comédien complice) ne donne pas la bonne réponse.
La direction scientifique de l'expérience a été assurée par un chercheur en psychologie clinique de Paris et Nancy, Jean-Léon Beauvois.
Dans le reportage de France 2, "Le Jeu de la mort", diffusé le 17 mars 2010, le réalisateur Christophe Nick propose des extraits de l'expérience et une analyse.

Présentation de quelques minutes : http://www.tagtele.com/videos/voir/53499

Important: le réalisateur demande de ne  pas juger les participants qui ont eu le courage d'accepter que leur visage soit diffusé à découvert, après leur avoir avoué le but de l'expérience : «Après avoir vu le programme, le public doit se dire qu'il aurait pu aussi envoyer ces décharges».
Certains sujets décident d'arrêter malgré les ordres et l'appel au public (rebelles): (à 1h00 de l'intégrale)
Certains sujets vont tenter d'aider l'interrogé (à 1h08)
Certains sujets vont aller jusqu'au bout (1min19)
1h23min et 08 sec: si l'animatrice ne fait plus de pression, 25% continuent. 75% désobéissent.

Dans cette expérience, des sujets tentent de baisser leur stress interne et de désobéir en ricanant, en faisant mine d'entendre les cris de douleurs, en désapprouvant à haute voix les ordres. Ils aident l'interrogé en insistant sur la bonne réponse. Quand la tension de stress devient trop forte pour certains sujets, ils refusent de continuer.

Aux états Unis, dans l'expérience de Milgram, lorsqu'une autorité scientifique demandait d'administrer les chocs, c'était 65 % des sujets qui acceptaient d'administrer les chocs maximaux.
(Tous les participants avaient protesté verbalement, mais 65% ont exécuté les chocs).

Les Français qui se considèrent pourtant insoumis (le nombre de manifestations en faisant foi), ont été 81% à envoyer les décharges , payés 40 euros, pour une émission de télévision.

Toutefois, l'expérience est différente de celle de Milgram, car il y avait une pression du public. Par ailleurs, les joueurs recevaient une 5e injonction supplémentaire d'une ravissante animatrice connue :  "Vous ne pouvez pas le faire perdre, d’ailleurs qu’en pense le public ?"  appuyé par l'encouragement du public.


Dans une 2e variante, après une décharge de 150V, le faux sélectionneur de candidats venait protester sur le plateau pour demander l'arrêt du jeu pour des raisons éthiques, comme dans une variante de Milgram. Face à cette contestation, 74% des joueurs ont continué à infliger des décharges.

Dans une 3e variantel'animatrice s'absente, le sujet étant libre de définir le niveau d'intensité, 28% des sujets continuent à infliger des charges douloureuses, encouragés par la pression de faire le spectacle.
Avec différentes variantes de l'expérience, Stanley Milgram démontre que c'est cette soumission aveugle répond à un principe situationniste . Il s'oppose fortement aux interprétations mettant l'accent sur l'agressivité sadique des individus.

Notez la réaction d'encouragement des 2000 personnes qui formaient le public, alors qu'ils ignoraient que le jeu était truqué. (13min40 sec). Ce public était animé par un chauffeur de salle. Certaines personnes ont toutefois quitté la salle.

Des reproductions de l'expérience originale de Milgram à travers le monde (Australie, Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Afrique du Sud, Jordanie) à différentes époques (de 1967 à 1985) ont donné des résultats assez similaires.
Actuellement, dans les pays nord-américains et l'Allemagne, il peut être difficile de reproduire l'expérience, sans un consentement des sujets informés réellement sur le but de l'expérience. L'Association américaine de psychologie recommande de ne plus reproduire l'expérience à cause des questions d'éthique et du stress subi par les sujets.

Le pourcentage de femmes acceptant de donner des décharges très douloureuses était similaire à celui des hommes, dans l'expérience de Milgram, et même supérieur dans une expérience de ABC News(1), en 2006, avec 73% de femmes.
(Si l'interrogé était une femme, le taux d'obéissance descendait à 28%, dans une expérience australienne de 1974).


En lisant ce texte, vous dites-vous : "C'est certain, moi j'aurai fait parti des 19% des candidats" ?
Dans un sondage exhaustif réalisé après la diffusion du reportage, 92% des personnes ayant vu l'émission prétendent qu'ils auraient arrêté, avant d'infliger de la souffrance. Pourtant, c'est seulement 19% des candidats sélectionnés au hasard qui ont stoppé les souffrances. Un soudage en contradiction avec les résultats.


Quels seraient ces résultats si la victime cachait sa souffrance: un bouc émissaire comme un collègue en entreprise, ou votre camarade de classe, à l'école?
Quels seraient ces résultats si nous détestions cette victime?
Pour perturber un pseudo-demandeur d’emploi pendant qu’il passait un test de sélection, 95 % d'étudiants ont accepté de passer des commentaires déstabilisants, dans l'expérience de Meeus et Raaijmakers (EJSP, 1986).


Pour information, comme dans l'expérience de Milgram, aux US, ce reportage a été sujet à de très nombreuses polémiques, en France (représentativité de l'échantillon, qualité de l'analyse scientifique, "jeu similaire à celui des TÉLÉVISIONS réalités, éthique, parti pris contre les chaînes privées...) et deux plaintes (atteinte volontaire à la vie et à l'intégrité de la personne). L'étude des réactions étant plus importante que qui réagit, il aurait été souhaitable de rendre les visages des participants non reconnaissables.


"Si nous sommes tous des salauds en puissance,
à quoi bon combattre les salauds au pouvoir ?"

s'interroge-t-on sur solidariteetprogres.org




(1) Basic Instincts: The Science of Evil [archive], ABC. Consulté le 5 juin 2008.

mercredi 5 janvier 2011

L'intelligence collective

Les décisions collectives seraient souvent meilleures que celles d'un seul individu, même si celui-ci est un spécialiste, démontrent plusieurs auteurs, recherches à l'appui.

J'imagine que pour certains lecteurs, cela paraît une évidence. D'autres  peuvent en douter, s'ils sont attachés à la notion d'experts, ou en voyant des "effets de groupes" parfois destructeurs.


Une première expérience:
Tout commence avec l'expérience classique du scientifique anglais Francis Galton, aristocrate convaincu croyant fermement à la supériorité des experts sur la foule qu'il jugeait "stupide" . Il se rend à un marché de bétail où un concours consiste à deviner le poids d'un bœuf. Galton note 787 paris, et découvre que la médiane est 1197 livres alors que le poids réel du bœuf est 1198 livres. Pas mal !
Cette expérience a été souvent reprise avec l'estimation de billes dans une bouteille, par des étudiants.


D'autres travaux:
Le scientifique L. Fisher, dans son dernier livre "The Perfect Swarm"en 2009[1] , James Surowiecki dans son livre " La Sagesse des foules" (en 2004) ou d'autres auteurs, depuis 1979, décrivent cette intelligence collective observée chez des animaux sociaux (oiseaux migrateurs, abeilles, fourmis…). Mais aussi dans des expériences de courses hippiques, des estimations des chances d'élection de candidats politiques, entre 1988 et 2006 par l'université de l'Iowa.
La question n'était pas: "Pour qui allez-vous voter?"; mais "quel est le candidat qui a le plus de chance de remporter les élections indépendamment de vos intentions de vote?"
Les estimations de marchés boursiers par des publics diversifiés sont si bonnes, que des journaux spécialisés regroupent des décisions de professionnels et d'amateurs.
Wikipédia, issu du développement technologique "Web 2.0"  dont le contenu est mis et corrigé par des quidams, a été mesuré comme étant aussi fiable que la vénérée Encyclopaedia Britannica.[2]



Comment les entreprises peuvent-elles utiliser le principe de l'intelligence collective?

- Utilisation des talents
Impliquer la participation des gens que l'entreprise ne pourrait employer permet de s'appuyer puissance de la collaboration de masse, pour soutenir les innovations nécessaires pour soutenir la concurrence.
 
- Réduction des coûts et du temps
Des entreprises publient un logiciel ou un produit spécifique à évaluer ou le déboguer par les communautés en ligne. Les résultats sont plus personnels; les produits sont plus robustes et avec moins d'erreurs dans un laps de temps et de coûts réduits. (panel marketing, Jeux vidéos testés par des admirateurs).


- Créativité
Les entreprises peuvent créer de nouveaux marchés pour des produits complémentaires, en s'engageant dans des communautés d'open source.


Mais quelle est la recette pour une bonne décision collective?

Une adhésion fondée sur des buts communs avec des règles (tacites ou explicites) identiques pour tous les votants
la diversité : des personnes de milieux divers, avec des idées originales ;
un accès total et en temps réel à l'information pour l'ensemble de la communauté.
l'indépendance et la décentralisation : les avis divers s'expriment sans influence lors de la décision ; sans qu'une autorité supérieure choisisse les idées qu'elle préfère.
un système de régulation : évaluation, contrôle, optimisation, correction des erreurs.



Quels sont les ratés?

Les décisions de groupe, où les membres craignent de dire ce qu'ils pensent ou qu'un membre influence les autres de façon dominante. (accidents d'avions où des copilotes craignaient l'avis d'un pilote)
Lorsque le groupe de décideur ne tient pas compte du choix fait collectivement.
l'acceptation passive d'un état de fait dont l'individu se doute qu'il mène à une catastrophe (ex. : fusée Challenger),
les discussions sur les choix, les causes et les conséquences des décisions
les représentations collectives qui favorisent un groupe, aux dépens d'un autre.
les effets de groupe (conformisme, crainte, fermeture, absence de procédure, homogénéité idéologique).


Quelles sont les autres applications possibles?
Un premier tour d'élection entre plusieurs candidats, suivi d'un deuxième tour  entre deux candidats permet de simplifier les choix et d'écarter les candidats marginaux. L'élu devient aussi le premier ou le second choix des électeurs.
Lors de l'évacuation de foules, des chercheurs suggèrent de mieux informer les foules plutôt de les rassembler et les diriger comme des "moutons".[3]
Un jury où il serait demandé de voter indépendamment après un procès, plutôt que d'obliger un consensus, éviterait l'influence de personnes plus dominantes et serait plus rapide et proche d'un bon choix.
Des programmes informatiques de résolution de problèmes « système multi-agent » (SMA) sont utilisés pour prévoir des comportements (théorie des jeux).
La théorie du chao étudie comment un comportement extrêmement désordonné peut s'ordonner.




Pour aller plus loin dans la lecture: http://en.wikipedia.org/wiki/Wisdom_of_crowds (en anglais)
et http://en.wikipedia.org/wiki/Collective_intelligence




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[1] L. Fisher, The Perfect Swarm : The Science of Complexity in Everyday Life, Basic Books, 2009.

[2] Jim Giles (December 2005). "Internet encyclopedias go head to head". Nature 438 (7070): 900–901.
[3] http://www.cerveauetpsycho.fr/ewb_pages/f/fiche-article-des-foules-solidaires-26320.php