Entête de bienvenue

Bienvenue sur notre blogue autour de la résolution de conflits.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le principe, visitez notre page sur la méthode.
Votre avis
nous intéresse. Alors, laissez-nous un commentaire courtois. Merci à vous.



lundi 17 janvier 2011

81% des gens pourraient-ils torturer?

Pour montrer l'influence actuelle de la télévision, perçue comme autorité, face à un cas de conscience (torture), le danger de l'escalade des jeux de télé-réalité, deux chaînes de télévisions suisse et  française ont reproduit une célèbre expérience américaine des années 63 du chercheur Stanley Milgram. En 2009, ils ont conçu une fausse émission, avec une animatrice complice qui demande à des invités ou joueurs (sujets non complices) d'envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes si une victime (en réalité, un comédien complice) ne donne pas la bonne réponse.
La direction scientifique de l'expérience a été assurée par un chercheur en psychologie clinique de Paris et Nancy, Jean-Léon Beauvois.
Dans le reportage de France 2, "Le Jeu de la mort", diffusé le 17 mars 2010, le réalisateur Christophe Nick propose des extraits de l'expérience et une analyse.

Présentation de quelques minutes : http://www.tagtele.com/videos/voir/53499

Important: le réalisateur demande de ne  pas juger les participants qui ont eu le courage d'accepter que leur visage soit diffusé à découvert, après leur avoir avoué le but de l'expérience : «Après avoir vu le programme, le public doit se dire qu'il aurait pu aussi envoyer ces décharges».
Certains sujets décident d'arrêter malgré les ordres et l'appel au public (rebelles): (à 1h00 de l'intégrale)
Certains sujets vont tenter d'aider l'interrogé (à 1h08)
Certains sujets vont aller jusqu'au bout (1min19)
1h23min et 08 sec: si l'animatrice ne fait plus de pression, 25% continuent. 75% désobéissent.

Dans cette expérience, des sujets tentent de baisser leur stress interne et de désobéir en ricanant, en faisant mine d'entendre les cris de douleurs, en désapprouvant à haute voix les ordres. Ils aident l'interrogé en insistant sur la bonne réponse. Quand la tension de stress devient trop forte pour certains sujets, ils refusent de continuer.

Aux états Unis, dans l'expérience de Milgram, lorsqu'une autorité scientifique demandait d'administrer les chocs, c'était 65 % des sujets qui acceptaient d'administrer les chocs maximaux.
(Tous les participants avaient protesté verbalement, mais 65% ont exécuté les chocs).

Les Français qui se considèrent pourtant insoumis (le nombre de manifestations en faisant foi), ont été 81% à envoyer les décharges , payés 40 euros, pour une émission de télévision.

Toutefois, l'expérience est différente de celle de Milgram, car il y avait une pression du public. Par ailleurs, les joueurs recevaient une 5e injonction supplémentaire d'une ravissante animatrice connue :  "Vous ne pouvez pas le faire perdre, d’ailleurs qu’en pense le public ?"  appuyé par l'encouragement du public.


Dans une 2e variante, après une décharge de 150V, le faux sélectionneur de candidats venait protester sur le plateau pour demander l'arrêt du jeu pour des raisons éthiques, comme dans une variante de Milgram. Face à cette contestation, 74% des joueurs ont continué à infliger des décharges.

Dans une 3e variantel'animatrice s'absente, le sujet étant libre de définir le niveau d'intensité, 28% des sujets continuent à infliger des charges douloureuses, encouragés par la pression de faire le spectacle.
Avec différentes variantes de l'expérience, Stanley Milgram démontre que c'est cette soumission aveugle répond à un principe situationniste . Il s'oppose fortement aux interprétations mettant l'accent sur l'agressivité sadique des individus.

Notez la réaction d'encouragement des 2000 personnes qui formaient le public, alors qu'ils ignoraient que le jeu était truqué. (13min40 sec). Ce public était animé par un chauffeur de salle. Certaines personnes ont toutefois quitté la salle.

Des reproductions de l'expérience originale de Milgram à travers le monde (Australie, Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Afrique du Sud, Jordanie) à différentes époques (de 1967 à 1985) ont donné des résultats assez similaires.
Actuellement, dans les pays nord-américains et l'Allemagne, il peut être difficile de reproduire l'expérience, sans un consentement des sujets informés réellement sur le but de l'expérience. L'Association américaine de psychologie recommande de ne plus reproduire l'expérience à cause des questions d'éthique et du stress subi par les sujets.

Le pourcentage de femmes acceptant de donner des décharges très douloureuses était similaire à celui des hommes, dans l'expérience de Milgram, et même supérieur dans une expérience de ABC News(1), en 2006, avec 73% de femmes.
(Si l'interrogé était une femme, le taux d'obéissance descendait à 28%, dans une expérience australienne de 1974).


En lisant ce texte, vous dites-vous : "C'est certain, moi j'aurai fait parti des 19% des candidats" ?
Dans un sondage exhaustif réalisé après la diffusion du reportage, 92% des personnes ayant vu l'émission prétendent qu'ils auraient arrêté, avant d'infliger de la souffrance. Pourtant, c'est seulement 19% des candidats sélectionnés au hasard qui ont stoppé les souffrances. Un soudage en contradiction avec les résultats.


Quels seraient ces résultats si la victime cachait sa souffrance: un bouc émissaire comme un collègue en entreprise, ou votre camarade de classe, à l'école?
Quels seraient ces résultats si nous détestions cette victime?
Pour perturber un pseudo-demandeur d’emploi pendant qu’il passait un test de sélection, 95 % d'étudiants ont accepté de passer des commentaires déstabilisants, dans l'expérience de Meeus et Raaijmakers (EJSP, 1986).


Pour information, comme dans l'expérience de Milgram, aux US, ce reportage a été sujet à de très nombreuses polémiques, en France (représentativité de l'échantillon, qualité de l'analyse scientifique, "jeu similaire à celui des TÉLÉVISIONS réalités, éthique, parti pris contre les chaînes privées...) et deux plaintes (atteinte volontaire à la vie et à l'intégrité de la personne). L'étude des réactions étant plus importante que qui réagit, il aurait été souhaitable de rendre les visages des participants non reconnaissables.


"Si nous sommes tous des salauds en puissance,
à quoi bon combattre les salauds au pouvoir ?"

s'interroge-t-on sur solidariteetprogres.org




(1) Basic Instincts: The Science of Evil [archive], ABC. Consulté le 5 juin 2008.

3 commentaires:

  1. Ça donne le vertige. Pas étonnant qu'il y ai eu des critiques. Même si certaines normes éthiques n'ont pas été respectées, ce reflet de ce que peut être la société n'est pas joli.
    Merci pour le lien vidéo intégral.

    RépondreSupprimer
  2. jean-Louis Laurat - France2 février 2011 à 21:07

    J'ai vu cette emission mais je suis loin d'avoir aimé cette mise en spectacle sous-couvert de pseudo-science. A mon avis, ça ne mérite même pas un article que vous pourriez tout au tant supprimer. Avec un panel de 80 personnes, on ne peut pas dire que ce soit représentatif.

    RépondreSupprimer
  3. Merci a vous. J'avais completement oublié cette expérience en TV, révélatrice de ce que nous sommes parfois, même pour un simple jeu.
    Je me souviens aussi des réactions vives des gens et même de deux politiciens qui avaient portés plainte. Cette emission avait fait grand bruit.
    Dominique

    RépondreSupprimer

Laissez-nous votre avis, toujours poli, bien sûr.
Si vous n'avez pas de profil, choisissez "nom/URL" ou "Anonyme", en bas de liste. Merci de votre participation.